HONFLEUR NOSTALGIQUE
HONFLEUR NOSTALGIQUE
« Depuis un mois que j’habitais Honfleur, je n’avais pas encore vu la mer car le médecin me faisait garder la chambre » . (Henri Michaux)
J’étais arrivée dans le château qui m’accueillait emmitouflée dans un plaid en patchwork, assommée par les antibiotiques mais néanmoins la tête lourde de fièvre. « Rien de grave », m’avait-il dit, « simplement des bactéries résistantes . Repos et traitement scrupuleux en viendront à bout. Patience ! »
Patience ! Ce mot me va mal. J’adore Honfleur, ses tons bleutés, sa lumière percée de soleil ou voilée de brume, ses ruelles aux pavés cahotants qui grimpent et redescendent sous une fine pluie oblique, ses boutiques d’autrefois. On y découvre de vieux bouquins, des planches marines, des fleurs séchées, des billes ternies, la délicate finesse de verres à haut pied, des voiles translucides, l’ irruption soudaine de parfums perdus où la cannelle, le safran, la vanille se mêlent en un tourbillon de senteurs.
J’adore Honfleur pour ses peintres qui y firent école, et pour le passage d’artistes dont je suis la trace en pensée. Claude Monet, Eugène Boudin, Renoir, Courbet, Millet, Corot, tant d’autres, ont comme moi goûté l’air salin et assisté aux départs et aux retours des bateaux ; Les frères Goncourt y séjournèrent, Toulouse-Lautrec rendit visite à son ami Lucien Guitry en 1900, et je me grise de ces souvenirs comme s’ils m’appartenaient. J’aime rôder devant « La Lieutenance » par gros temps, et longer le Vieux Bassin comme si je humais la liberté.
Mais voilà : je garde la chambre. Alors je rêve Et le baldaquin de mon lit, le couvre-lit de soie, les tapis des couloirs, l’escalier monumental, le murmure des arbres du parc remplacent pour moi la griserie de la mer qui, à Honfleur, me parle d’escapade.
M.E.
M.E.