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Eclats de Paroles
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12 mai 2005

33, rue du Blog (23)

            Ils sont là ! Quelle chance !  Alex me prend dans ses bras avec sa chaleur habituelle et m’embrasse le front, les cheveux, les joues.

            - Ma chérie, tu m’as manquée ! Montre-toi, tourne, oui, toujours aussi belle…

            Adelin sourit.  Il sait très bien que si j’étais un garçon, Alex m’aimerait.  Il sait aussi très bien que si Alex aimait les femmes , je l’aimerais.  On s’aime comme on peut, en boitillant, ce n’est pas un vrai amour, c’est quelque chose qui y ressemble. Il a besoin de me voir, de me parler ; j’ai besoin de lui confier mes petits soucis : il m’écoute, réfléchit, interroge et je vais déjà mieux. Adelin garde néanmoins un œil sur nous : on ne sait jamais…   Mais il est la gentillesse même ; pour l’instant, il me prépare un thé au citron et sort les biscuits de la boîte. 

            - Merci  Adelin,  vous avez sûrement autre chose à faire…

            - On a le temps, intervient Alex.  Les bagages, c’est pour tantôt.  Alors, raconte, qu’est-ce qui se passe ici ?

             Je raconte…ce que je sais, pas ce que je fais.  Ils connaissent mon ex, c’est d’ailleurs un peu à cause de leurs conseils que j’ai rompu, mais ils trouveraient sans doute rapides mes dernières rencontres sentimentales… Dans son panier rose, Luna écoute la conversation ; ses yeux noirs, brillants suivent les gestes de ses maîtres.  Adelin ouvre un sac de cuir fauve et en sort avec précaution un petit paquet emballé de papier cadeau.

            - Allez, donne-le-lui, Alex.

            C’est pour moi, cette petite vierge noire en cire, en robe bleu-nuit galonnée d’or,  couronnée d’un diadème.

            - On a pensé que cela irait sur ton bureau. Alex l’a acheté pour qu’elle t’inspire… Elle vient de Florence.  Si tu savais le monde qu’on a rencontré ! On a lié connaissance avec des artistes qui visitaient mon exposition, des amateurs d’art,  des critiques.  Tiens, je vais te montrer les articles des journaux.  Ah ! Tu ne connais pas l’italien, c’est dommage !  Tu devrais apprendre.

            Je me dis qu’en effet, ce ne serait pas inutile…

Plusieurs journaux ont relaté l’exposition d’Adelin ; des photos reproduisent la délicatesse de son coup de pinceau, le bleu tout personnel qu’il a en quelque sorte inventé.  Ici, Adelin en conversation avec un grand type maigre et élégant, habillé de noir ;  là Alex désignant à un admirateur un personnage presque nu, sorte de St Jean Baptiste dans le Jourdain ;  tiens, revoici l’homme maigre et élégant.  Le buffet semble fort apprécié ;  dans la foule, mais de dos, j’aperçois Adelin , encore flanqué de l’inconnu en noir. 

- Adelin, qui est ce monsieur avec qui tu parles ?

- Oh ! Un homme charmant, bien nanti, je crois.  Il s’intéressait de près à ma peinture et m’a même demandé mon adresse.  Il vient parfois à Bruxelles et aimerait, m’a-t-il dit, voir mon atelier et la façon dont je procède.  J’avoue que j’étais flatté…

- Moi, il ne me revient pas, ce bonhomme, tranche Alex.  Je me demande ce qui t’a pris de lui raconter ta vie !  Et j’ai une vue ensoleillée sur le parc, par-ci, et les locataires sont tranquilles c’est indispensable pour travailler, par-là… Tiens, à propos, tu n’as pas dit à Annabelle que tu la voudrais comme modèle pour un buste de nymphe… Tu serais d’accord, Annabelle ?

            Annabelle

            (M.E.) 

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