33, rue du Blog (108)

            Je n’ai pas demandé à Xavier Lenoir ce qu’il pense du basané  accompagnant le retour d’Amanda. Son froncement de sourcils en dit long.  Angélique m’a confié qu’il s’appelle Ali et ne lui dit rien qui vaille.  A moi non plus. J’ai fait suffisamment de reportages sur les S.P. et leur vie souvent misérable pour reconnaître, par contre, les profiteurs de tous genres et de toutes nationalités, la nôtre y compris.  Bon, qui vivra verra. 

            Je ne suis pas crédule de nature.  Mais ma visite à la voyante me laisse un malaise : « Que va-t-il encore se passer au 33 » implique-t-il vraiment qu’un événement maléfique va s’abattre sur la maison ?  Non, certes.  N’empêche !  Comme si la disparition d’Aldo Farinetti ne suffisait pas !  Il n’est pas mort chez lui, c’est déjà quelque chose.  Pour autant qu’il soit mort ! Car on peut tout imaginer : il est en vacances (il en aurait parlé à Angélique, ne serait-ce que pour le courrier), il passe quelques jours chez des amis,  une déprime l’a soudainement accablé et il a quitté les lieux en catimini pour retrouver nostalgiquement son pays ; ou encore il fait une fugue avec une minette.  Rien ne semble satisfaire Xavier Lenoir qui « sent » autre chose. Quoi ?  Son beau nez droit le mènera-t-il comme un chien pisteur là où se cache Aldo ?

            En attendant, le temps orageux agit sur tous les nerfs.  Même Adelin et Alex ont eu des mots, à propos d’Aurélien, si j’ai bien compris (leur fenêtre grande ouverte manquait de discrétion) ,  Alex trouvait Adelin trop « sucré » envers Aurélien, trop bienveillant, trop complaisant, trop… Trop tout ! Aurélien a choisi naïvement ce moment pour heurter à l’ huis ; il voulait comparer deux poèmes en l’honneur des futurs pacsés.  J’ignore où ils en sont,  Aurore étant intervenue avec sa discrétion habituelle. 

            J’en ai marre !  Moi qui ai besoin de calme pour écrire, je me réfugie maintenant au journal ou du moins, on me fiche la paix quand je travaille.  Les téléphones, les bruits d’ordinateurs, les visiteurs impromptus sont moins contraignants que les locataires surexcités du 33.

            Même Armelle est bizarre.  C’est pourtant une fille toute droite, sans chichis, sans problèmes.  Mais depuis qu’elle couve la jeune future maman Agathe, venue on ne sait d’où,  son air aux abois impressionne.  Craint-elle un accouchement prématuré ?  Se demande-t-elle ce que son Ambroise est devenu ?  Car lui non plus n’a pas reparu.  On ignore où il est.  Est-ce vraiment notre rôle, à nous les tranquilles locataires du 33, de résoudre des problèmes que même l’intrépide Roi de Cœur ( je veux dire Xavier Lenoir, suis-je sotte !) ne parvient pas à dominer ?

ANNABELLE