LA PASSANTE
Je suis passée tantôt devant la maison vide où jamais plus je n’entrerai, cette maison qui garde un peu de bonheur dans chaque écho, des souvenirs, des émotions, tant de jeunesse !
Ne pourrai-je un instant, du seuil familier, franchir la pénombre ? Que de rires ont tinté sous ce toit, que de larmes versées pour des malheurs défunts ! Entends-tu ces chansons que je chantais naguère ? Revois-tu l’escalier, traître, où tu m’embrassas ? Voici la chambre close où je lisais tes lettres ; et là, de mes sanglots retenant le délire, l’oreiller qui berça si souvent mon chagrin quand tu était jaloux, et moi, impétueuse.
Ici, tu m’as passé l’anneau des fiançailles, et te voilà, maman, un soir d’automne, seule, tandis que je m’en vais, mariée, bien loin de toi.
Las ! Maison du passé, d’autres amours viendront fleurir ton toit sonore ; d’autres mains se joindront à l’ombre du jardin. Je serai la passante et nul ne songera en me voyant errer, que je cherche à revivre, un instant, ma jeunesse.
M.E.