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Eclats de Paroles
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9 mai 2005

Consigne 24 : Qu'écrit donc cette jeune femme

Consigne 24 : Qu'écrit donc cette jeune femme attablé à son bureau?

Ma chère Maman,

            Aujourd’hui c’est mon anniversaire. Il y a dix-huit ans tu me mettais au monde. M’as-tu assez répété que tu aurais souhaité un fils. Je me sens un peu coupable mais qu’y puis-je ? Cependant je te suis très reconnaissante de m’avoir offert ce merveilleux cadeau : la vie. Je l’apprécie chaque jour davantage même si le ciel est souvent noir.

           Enfant, j’étais de nature sauvage, vrai garçon manqué. J’espérais ainsi compenser ton manque de fils. Hélas nos rapports n’ont jamais été tendres. Pourtant j’avais si faim de tes baisers, de ta tendresse. Mon père ayant vite reprit son statut de célibataire, tu étais la seule à pouvoir me les donner. Mais tu voulais faire de moi un être fort. Pas une « geignarde » comme tu me le reprochais lorsque j’essuyais une larme échappant à mon contrôle. J’avais le cœur en  berne, l’esprit en déroute mais depuis lors je n’ai jamais quitté mon masque de fille joyeuse. Ce n’est pas toujours facile mais c’est ce que tu voulais. Tu es restée dix ans à mes côtés. Puis un jour maudit tu m’as conduite en pension. Je revois ma petite valise où mon uniforme était si bien rangé. Quelques jours plus tard tu partais pour l’Afrique. Tu voulais aider et consoler les petites orphelines. Elles ont eu plus de chance que moi.

         La directrice du pensionnat présente près de ma table chichement éclairée, insiste pour que je fasse mention de sa sollicitude à mon égard. Mais aujourd’hui je peux enfin crier ma souffrance de ces longues années de détresse et de solitude.

        J’ai reçu ton faire part de remariage et ceux de la naissance de tes deux fils. J’ai toujours envoyé mes souhaits de bonheur et un modeste cadeau, j’ai si peu d’argent. J’ignore s’il vous est parvenu.  Pendant huit ans, obéissant aux consignes du pensionnat, chaque mois je t’envoyais une lettre pleine de sanglots et de rêves. Tu y as rarement répondu et une simple carte était suffisante pour contenir ton message.

      Moi, je t’écrivais chaque jour en secret. Les tiroirs de mon bureau sont  pleins d’appels et d’espoir. Des aveux pour toi et pour mes frères que je ne connaîtrai sans doute jamais. J’ai mal de n’avoir même pas une photo à embrasser le soir avant de m’endormir.

      A ta nouvelle famille je souhaite une existence sans trop de nuage. Et pour toi ma mère, j’envoie les baisers qui me brûlent le cœur.

       Merci encore de m’avoir donné la vie. Un jour quelqu’un m’aimera et je connaîtrai enfin le bonheur.

                                                                                     Ta fille oubliée.

Jeanine

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