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Eclats de Paroles
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11 mai 2005

33 RUE DU BLOG (18)

Quelle nuit, mes aïeux ! J'ai tout entendu, j'ai tout vu. Ce sont les chuchotements d'Annabelle et de cet inspecteur Lenoir qui m'ont réveillée. J'ai l'ouïe fine. Comme mon lit est placé le long de la fenêtre, je n'ai eu qu'à m'asseoir et soulever légèrement le rideau pour les voir s'embrasser goulûment. J'ai failli éclater de rire: elle était en peignoir rose très femme fatale… un sac poubelle à la main. Et il la serrait désespérément contre lui comme s'il ne pouvait se décider à la quitter. Enfin, ils se sont séparés, quittant mon champ de vision, mais j'ai entendu la porte d'entrée et, aussitôt après, le clac caractéristique d'un couvercle de boîte aux lettres. Je n'ai pas vu dans laquelle Annabelle a glissé quelque chose : elles sont accrochées contre le mur de ma chambre.

A ce moment, le grincement de la porte d'entrée s'est à nouveau fait entendre. L'inspecteur revenait-il ? Impossible, il n'a pas la clé ! C'était Amadeo : je ne le voyais pas mais j'ai reconnu son accent. D'accord, ç'aurait pu être Aldo mais lui était rentré plus tôt, aussitôt après sa représentation, averti du cambriolage de son appartement. Bref, l'instant d'après, Amadeo accompagnait galamment Annabelle vers le réduit à poubelles et ils repartaient ensemble vers le hall d'entrée et l'ascenseur. Il ne me restait plus qu'à laisser retomber mon rideau et essayer de me rendormir. C'est alors que j'ai aperçu une silhouette furtive qui se dirigeait elle aussi vers le local à poubelles. A son allure penchée, j'ai tout de suite reconnu le vieil Adonis du cinquième, le voisin d'Amadeo. Il tenait une sorte de petite pelle à la main. Pourquoi faire ? Je ne l'ai compris que ce matin. Car il est ressorti rapidement, tenant sa pelle précautionneusement devant lui, et est reparti d'où il était venu, toujours aussi silencieux qu'une ombre. Cette fois j'allais pouvoir dormir en paix: il était 2 h du matin. Inutile de préciser que j'ai eu du mal à retrouver le sommeil.

Or, après cette nuit passablement agitée, la journée s'est très vite annoncée du même tonneau. Cela a commencé en fanfare, à 6 h 30 du mat', quand j'ai sorti sur le trottoir ces fameuses poubelles qui semblent intéresser tant de monde: la façade de l'immeuble était entièrement badigeonnée d'immenses "A" bleus, rouge, verts, visibles d'un bout de la rue du Blog à l'autre et, cette fois, je l'avoue, je n'avais rien entendu. Il faut dire que ce sont les fenêtres de mon salon qui donnent sur la rue, pas celles de ma chambre. Bref, d'horribles graffitis défiguraient notre cher 33 et ce n'aurait été qu'un moindre mal si ce "A" répétitif ne m'avait soudain fait trembler de la tête aux pieds. Ce ne peut être un hasard ! Un signe ? Mais à qui ? Et pourquoi ? Je regardais l'initiale maudite, l'air hagard, quand les copines concierges des immeubles voisins sont accourues pour commenter l'événement. Cela a vite fait un raffut de tous les diables qui ne me remontait en rien le moral et m'aurait même plutôt filé une de ces migraines dont j'ai le secret. Je les ai donc prié de rentrer chez elles. Mais rien a faire ! Elles tenaient toujours leur petit conciliabule de perruches en chaleur quand l'inspecteur Lenoir que j'avais appelé est arrivé, l'œil un peu battu.

C'est le moment qu'à choisi Monsieur Ange pour venir me demander, le regard chafouin, si je ne savais pas, par hasard, qui avait glissé une enveloppe non timbrée dans sa boîte aux lettres. J'ai joué l'innocente. Non, je ne voyais pas. Je ne pouvais tout de même pas avoir l'œil à tout ! Et d'ailleurs, quelle importance ? Il n'a pas répondu et s'en est allé sans insister.

Les autres locataires commençaient a arriver au compte goutte, à s'exclamer, à donner leur avis… Cela faisait un vacarme de tous les diables dans la cour et, à un moment, j'ai vu Annabelle ouvrir sa fenêtre suivie d'Amadeo… torse nu, puis se retirer aussitôt à la vue de l'inspecteur Lenoir qui essayait de mettre un peu d'ordre dans la pagaille. L'a-t-il aperçue lui aussi ? Je n'en suis pas certaine. S'il l'a vue, il n'en a en tout cas rien laissé voir: c'est un pro. Quelques minutes plus tard, Amadeo, habillé mais pas rasé, venait aux nouvelles. Un de plus pour donner son avis. Il était suivi par la vieille Durieux, folle furieuse d'avoir une nouvelle fois trouvé de la litière de chat usée sur son paillasson, dans lequel, alerté par le boucan, elle avait plongé son pied nu. Plus courbé que jamais, le vieil Adonis ricanait. C'est le moment qu'ont choisi Monsieur Alex et Monsieur Adelin pour débarquer d'un taxi, leur chienne Luna, un adorable bichon maltais, dans son joli panier rose.

Angélique

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Commentaires
M
je ne me lasse pas de lire et relire ce passage qui m'a fait mourir de rire...à haute voix.Monique.
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