PERDRE LE CONTROLE (2)
Voici ma participation à la consigne "Perdre le contrôle" dont Annie a publié hier sa version. Voici donc la mienne.
L'EGARE...
D’habitude je les porte haut, bien droits, un peu voyants même, mais aimables, accueillants, le sourire aux lèvres. Ils se connaissent depuis toujours et parfois se racontent des secrets d’alcôve que je fais semblant de ne pas entendre. Je suis bonne fille.
Leur coquetterie les pousse à se parer plus que de raison. Les dentelles, les tulles, les mauves tendres, les rouges arrogants, les galbes moulés, les balconnets profonds, tout, ils se permettent tout. Je laisse faire. Si ça leur plaît!
Je les connais tellement bien que je les habille machinalement. Toujours le même geste distrait, les bretelles qu’on enfile, les agrafes agaçantes, je prends le gauche pour bien le caler, le droit et hop, c’est parti pour la journée.
Et ce matin encore… Ce matin ? J’ai sorti du bleu lavande assorti au string, j’enfile la bretelle gauche, parfait, la bretelle droite… Qu’est-ce que c’est ? Où est-il ? J’ai la berlue ou quoi ? Je tâtonne, je parcours, je masse, je pince, je hurle : mon sein droit a disparu ! A la place, c’est la plaine, lisse, douce, sans la moindre aspérité, innocente pour tout dire.
J’ai l’air d’une baudruche mal gonflée. Le gauche pérore, pointe le nez, fait son folichon. Mais à côté, la dentelle pendouille comme un drapeau mouillé.
Va-t-il repousser ? Vais-je aller chez le gynécologue qui les auscultait toujours d’un air approbateur ? Il sera déçu, c’est sûr. Mais lui seul peut me conseiller. Il connaît peut-être un traitement performant pour les seins qui font la malle ? Il sait peut-être comment, d’une série de pressions bien appliquées, faire réapparaître le téton, le bulbe, l’arrondi, le modelé, le sein migrateur ? Peut-être faudra-t-il plusieurs séances mais je suis prête à m’y soumettre. C’est un bel homme.
Non, impossible que ce soit irrémédiable. Hier encore, il était là, dans le décolleté printanier qui aide en ce moment tous les hommes à compter jusqu’à deux. Il pigeonnait avec son compère. Il n’avait l’air de rien. Il ne préparait aucun coup bas.
Il va falloir que je parle à Gaston. Il voudra voir. Il ne me croira pas sur parole. Or, jusqu’ici je ne lui avais jamais dévoilé mes appâts. Je le faisais languir. J’attendais le moment. Mais est-ce le moment ? Un seul sein ! Il me prendra pour une Amazone revenue de l’Antiquité.
Allons, courage ! Et si ça ne va pas chez le gynéco, j’irai chez le psychologue. Ca l’intéressera.
LORRAINE