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Eclats de Paroles
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5 février 2006

C'ETAIT PENDANT LA FOIRE DU LIVRE...


    6 H. du soir.  Il gèle. Je relève le col de mon manteau de cuir,  mes pas bottés claquent sur le pavé de la Grand’Place.  Je sors à l’instant du journal, happée par le va-et-vient de la foule pressée.  Ma voiture est garée rue de la Violette,  je marche vite, tendue, préoccupée par l’article que je viens de remettre au typographe.  Ai-je bien tout dit ?  N’aurait-il pas fallu préciser le nombre de visiteurs attendus à la Foire du Livre ? Mais non, tout le monde sait qu’elle attire les jeunes, les vieux, les hommes et les femmes, les amoureux du livre et les amoureux d’eux-mêmes qui pourront dire avec désinvolture :  « J’y étais…La radio et la télévision aussi… Ils interrogeaient les visiteurs et… »

    Et quoi ? Est-ce si important d’être et de paraître ?  Je suis lasse ce soir, du bruit, de l’agitation, de l‘inanité des choses .  J’emporte en moi ce sentiment qui me pousse comme un navire sur les flots.  Les trottoirs sont étroits.  Je longe les maisons.  Et, arrivant vers moi, un homme.

    Nous nous heurtons presque.  Je lève les yeux, lui aussi.  Face à face, nous nous regardons.  Et j’entends, ébahie, cette phrase incroyable :

    « Madame, je n’ai jamais rencontré une femme comme vous.  Votre air, votre regard… Je ne sais pas ce qui m’arrive,  je ne parle pas ainsi aux étrangères d’habitude. Ecoutez-moi, je veux vous revoir, je dois vous revoir.  Aujourd’hui, il faut absolument que je m’en aille, c’est absurde.  Mais demain…êtes-vous libre à 3 H. devant le parc d’Egmont.  Promettez-moi, Madame… »

    Il me regarde en bleu, de tout le bleu de ses yeux.  Le vent souffle, les lampes de la Grand’Place  vacillent,  est-ce que je ne vacille pas un peu moi-même ?..Les passants nous bousculent.  Il me prend la main une fraction de seconde, la serre :  « Demain, vous promettez ?.. ».  Il a le visage have, creusé par le froid, l’émotion peut-être, la volonté de convaincre.  Alors je dis oui, et son sourire m’éclabousse de sa joie.

    Nous sommes repartis chacun de notre côté.  Je ne suis pas allée au rendez-vous.  Je ne l’ai jamais revu. Mais je me souviens quelquefois de cet inconnu qui,  pendant quelques instants, un soir d’hiver, m’a parlé en bleu.

LORRAINE

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